Lire des histoires aux résident·es des EHPAD, c’est la mission que se donne Lire et Sourire depuis 2020, pour leur permettre de (re)nouer avec la lecture, et au-delà, avec les autres et eux-mêmes. Pour cela, l’association s’appuie sur un réseau de partenaires et de bénévoles qu’elle prend soin de former.

Créée en 2011, Lire et Sourire s’appelait initialement le Fonds Decitre. Il s’agissait du fonds philanthropique des librairies Decitre, créé pour faciliter l’accès à la lecture des publics dits « éloignés », tels que les enfants hospitalisés ou les personnes en situation de précarité. En 2019, Decitre est racheté par le Furet du Nord. Le Fonds décide alors de prendre son indépendance et change de nom pour devenir Lire et Sourire.

En 2020, les maisons de retraite sont contraintes d’interdire les visites extérieures à cause de la pandémie de COVID-19. Touchée par l’isolement des résident·es, Lire et Sourire propose à plusieurs établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de leur fournir gratuitement des liseuses. Depuis le confinement et la réouverture des EHPAD aux personnes extérieures, Lire et Sourire organise, avec son équipe de bénévoles, des séances de lecture à voix haute dans ces établissements partenaires.

La détermination des bénévoles, d’une part, la demande des animateurs et animatrices d’EHPAD, d’autre part, sont si fortes que Lire et Sourire décide progressivement de recentrer l’ensemble de ses actions autour des lectures à voix haute en EHPAD. Pour porter ce projet et le déployer au niveau national, le Fonds crée en 2023 une association du même nom. De 10 établissements partenaires, Lire et Sourire passe alors à 20, puis à 30, en élargissant progressivement son périmètre d’intervention. Si la plupart des établissements sont localisés en Auvergne-Rhône-Alpes, l’association est désormais présente en Île-de-France, Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine ou encore en Bretagne.

Des lectures qui ancrent les EHPAD sur leur territoire

Le principe de ces lectures est simple : un ou plusieurs bénévoles lisent des textes courts (nouvelles, fables, contes…) de leur choix à un groupe de résident·es. L’objectif ? Faire en sorte que les bénéficiaires renouent avec la lecture, quel que soit leur état physique et cognitif (arthrose, baisse de concentration, fatigue visuelle, perte de mémoire, etc.)

Une jeune femme de dos lit un livre à une vieille dame de face qui l'écoute avec un air apaisé.

L’enjeu est aussi relationnel. Pour les bénéficiaires, ces lectures permettent d’établir une relation avec des personnes qui ne font partie ni de l’équipe soignante, ni du cercle familial. Elles contribuent aussi à renforcer les liens entre les résident·es, car elles constituent le point de départ de discussions. Sur le plan personnel, ces séances sont parfois l’occasion de se reconnecter à son passé, en faisant émerger des souvenirs enfouis. Elles concourent enfin à rétablir une estime de soi, en rappelant aux bénéficiaires que leur quotidien ne se réduit pas qu’à des soins.

« L’objectif de ces lectures, explique Martine Rigal, cheffe de projet et formatrice des bénévoles, c’est aussi de susciter une mobilisation citoyenne sur un territoire autour de la situation des personnes âgées, et d’impliquer non seulement des individus – les bénévoles – mais aussi des acteurs locaux ». L’association a ainsi mis en place des partenariats avec plusieurs magasins Cultura et avec le groupe La Poste, grâce au mécénat de compétences.

Des actions pérennisées grâce à un réseau de partenaires

Le projet repose sur la collaboration des EHPAD. Une fois que le partenariat est mis en place, il est formalisé par une convention, qui permet de poser sur le papier l’engagement de chacune des parties. La convention permet par exemple de s’assurer que les bénévoles sont accueilli·es par les animateurs et animatrices de l‘EHPAD, qui sont un véritable appui pour que l’action puisse se mettre en place : ils et elles font le lien avec l’équipe soignante, sont présent·es lors de la première séance de lecture des bénévoles, les accompagnent si besoin jusqu’aux chambres pour les lectures individuelles et peuvent rappeler aux résident·es que quelqu’un vient leur faire la lecture. L’établissement s’engage aussi à verser à l’association une participation financière raisonnable, permettant de couvrir une partie des frais de recrutement et d’accompagnement des bénévoles.

Pour financer ses actions, l’association fait également appel à des mécènes. Le défi auquel fait face toute association qui s’appuie sur du mécénat, c’est de trouver un équilibre entre les attentes des mécènes et ses propres projets. « L’enseigne Cultura par exemple, incite ses employé·es à s’engager durablement dans des actions de mécénat de compétences : nous leur proposons donc de lire dans un EHPAD proche de leur magasin. La collaboration peut être plus complexe avec les entreprises qui ne proposent que des interventions ponctuelles de leurs salarié·es car nous avons besoin d’un engagement régulier pour que l’action profite vraiment aux résident·es . Il s’agit alors de trouver d’autres formes de coopération  », explique Blandine Sillard.

L’importance de la formation des lecteurs et lectrices bénévoles

« Les bénévoles ont souvent une image idéalisée des publics des EHPAD, parce qu’ils y projettent le souvenir de leurs grands-parents par exemple ou d’une personne âgée encore active », explique Martine Rigal. La moyenne d’âge dans ces établissements se situe plutôt autour de 89 ans. Une partie des résident·es ont des troubles cognitifs et sont donc très dépendant·es. « La plupart des bénévoles ne connaissent pas cet univers », résume Martine Rigal. Cette dernière leur propose donc une formation sur les spécificités de ces publics et de leur environnement. Elle y présente les différents types d’établissements pour personnes âgées et leur fonctionnement, les pathologies qui peuvent affecter les bénéficiaires et les postures à adopter vis-à-vis de ces derniers mais aussi vis-à-vis de l’équipe soignante. Elle prodigue également des conseils sur les types de lectures à privilégier, à savoir des textes courts et variés dans leur contenu et leur forme.

Un homme aux cheveux blancs lit un livre à un groupe de personnes âgées.

En complément, une formation de lecture à voix haute, animée par une comédienne professionnelle, aborde les axes fondamentaux de la lecture pour un public senior. La comédienne travaille avec les bénévoles sur les techniques essentielles pour lire à voix haute : préparation vocale et posturale, choix du rythme, jeux de regards, etc.

Parmi les réalités de terrain auxquelles sont confronté·es les lecteurs et lectrices, certain·es ont dû faire face au décès d’un·e résident·e auquel ils ou elles faisaient la lecture. Une psychologue, également bénévole de l’association, propose son aide à celles et ceux qui le souhaitent.

Selon Blandine Sillard, ces temps de sensibilisation et d’accompagnement des bénévoles sont précieux. Ils permettent de pérenniser leur implication.

Une jeune femme brune lit un livre à deux personnes âgées. L'un baisse la tête, l'autre l'écoute avec attention.