Permettre à des jeunes de s’exprimer au-delà des murs blancs de l’hôpital, c’est l’ambition que s’est donnée le Labo des histoires en mettant en place des ateliers d’écriture animés par des auteurs et autrices dans quatre services de pédopsychiatrie parisiens. Au fil de cinq séances, les participant·es, âgés de 12 à 25 ans, ont été invité·es à écrire sur des problématiques de société qui les concernent, au-delà de leur pathologie.

Le Labo des histoires est une association qui cherche, depuis 2011, à développer les pratiques d’écriture créatives des jeunes entre 6 et 25 ans : toutes les formes sont concernées, de la fiction à l’écriture journalistique, en passant par le slam, la poésie, ou encore l’écriture théâtrale.

Depuis une dizaine d’années, le Labo des histoires travaille en partenariat avec l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) pour proposer des ateliers d’écriture auprès des jeunes dans les établissements de santé. Progressivement, ce partenariat s’est élargi à d’autres structures de soin, à des hôpitaux non conventionnés. Les actions de médiation menées par le Labo auprès de ces publics se sont ainsi peu à peu pérennisées.

« L’autre, c’est moi », un projet pour décloisonner la parole

Entre novembre 2023 et avril 2024, l’association a construit, en partenariat avec quatre établissements de santé, un projet culturel pour les jeunes en suivi psychiatrique, intitulé « L’Autre, c’est moi ». Quatre groupes d’une dizaine de jeunes, respectivement pris en charge à l’hôpital du Labrador, au centre éducatif de la Pitié-Salpêtrière, à l’hôpital André-Grégoire de Montreuil et à la Maison de Solenn, ont suivi des ateliers d’écriture animés par les auteurs et autrices Christophe Boltanski, Yahia Belaskri, Constance Debré et Gary Ghislain.

© Lucie Hodiesne Darras

Selon Margaux Nemmouchi, directrice de l’action culturelle au Labo des histoires, ce projet est né de la volonté de décloisonner la parole des jeunes en parcours de soin, à partir du constat que « chacun d’entre nous évolue dans des cercles d’expression et de socialisation restreints. Les jeunes en suivi psychiatrique sont d’autant plus concernés par ce cloisonnement qu’ils peuvent faire l’objet de stigmatisation de la part de personnes peu familières de l’univers des soins psychiatriques. »  Le projet « L’autre c’est moi » répond donc à un double objectif : faire émerger une parole libre chez ces jeunes, et désamorcer un certain nombre d’idées reçues sur eux, en montrant que « leurs préoccupations sont identiques à celles d’autres jeunes du même âge. » La jalousie, la famille, le racisme, l’hypocrisie, le lycée… : tels sont les thèmes qu’ils ont pu aborder au fil de l’écriture.

Des textes en partage

L’originalité du projet par rapport à d’autres actions menées par le Labo des histoires réside dans la volonté de diffuser les textes produits au-delà des ateliers. Ainsi, à partir de la matière brute recueillie, la poétesse Séverine Daucourt propose une mise en spectacle à la Maison de la poésie en mai 2024. Cette restitution vient créer un lien entre la parole des jeunes et un public extérieur aux établissements de soin, en prolongeant leurs textes sous une autre forme.

Au-delà, ces ateliers permettent surtout de susciter des échanges entre des écrivain·es et des jeunes en situation de fragilité psychologique. L’auteur Yahia Belaskri qualifie la rencontre de « bouleversante » : tant au niveau de la relation de confiance qui s’est créée avec eux que dans ce qu’il a pu lire dans le creux des lignes écrites par les participant·es. Du côté des jeunes, ces ateliers ont une véritable dimension thérapeutique, ce dont témoigne le personnel soignant de la Maison de Solenn et de l’hôpital du Labrador.

La restitution publique à la Maison de la poésie est l’occasion de réunir les auteurs du projet, des participants des ateliers, ainsi que leurs familles et leurs encadrant·es. En valorisant leurs productions, elle assure d’une part une continuité entre écrit et oral, entre adolescent·es, écrivain·es et grand public, elle renforce d’autre part le lien entre les jeunes et leurs accompagnant·es.

Photo © Lucie Hodiesne Darras, série « Loin des yeux, près du cœur » réalisée auprès de jeunes avec des troubles psychiques, dans le cadre du programme « Radioscopie de la France : Regards sur un pays traversé par la crise sanitaire » (BnF/ministère de la Culture)