Entretien avec Nadine Michot, responsable du pôle Actions extérieures de la Bibliothèque francophone multimédia (Bfm) de Limoges.

La Bfm intervient dans plusieurs résidences pour personnes âgées. Pouvez-vous détailler les actions qui y sont menées ?

Nadine Michot : Notre service dessert actuellement six résidences pour personnes âgées autonomes ou semi-autonomes : trois Résidences autonomie municipales, deux Unités de vie dépendant de la Mutualité française limousine et une résidence de type associatif. Chaque structure est suivie par un bibliothécaire référent qui se rend sur place une fois toutes les six semaines. La durée moyenne de la visite est de 1h30.

Sur place, il effectue un dépôt de livres pour la structure, en fonction des centres d’intérêt signalés par l’animateur de la résidence qui est son contact dans la structure (à défaut, il s’agit du directeur de la structure). C’est ensuite l’animateur qui gère les emprunts et retours de documents durant les six semaines. Le bibliothécaire reçoit aussi en particulier tout résident qui souhaite faire une demande particulière (titres précis, thème particulier). Les documents demandés lui seront apportés à la visite suivante. Il est possible de prolonger le prêt de tous les documents de six semaines (sauf ceux faisant l’objet d’une réservation par un adhérent de la Bibliothèque francophone multimédia).

Toutes les trois visites, le bibliothécaire propose une médiation sous forme d’animation collective. La visite dure alors 2h30 (incluant le portage et l’animation). Quelques exemples d’animation-médiation :

  • écoute commentée de musiques des îles du monde sous forme de sieste musicale,
  • quiz sur les figures historiques et littéraires du Limousin,
  • balade littéraire en Italie autour d’un diaporama et de lectures d’extraits de romans,
  • quiz musical chanson française sur le thème de la rose avec présentations de documents sur ce thème.

Dans une autre résidence qui n’est pas desservie de façon pérenne, une bibliothécaire anime un club de lecture qui participe au prix littéraire de Nouvelle-Aquitaine « La voix des lecteurs ». Ce groupe, comprenant des résidents ainsi que des membres du personnel, lit les six livres de la sélection. Les débats sont animés par la bibliothécaire jusqu’au vote final.

Entre octobre 2018 et fin février 2019, nous avons ainsi déposé 1 207 documents dans ces résidences.

Vous avez également mis en place en 2019 des lectures à l’Hôpital de la mère et de l’enfant, au sein du CHU de Limoges…

Nadine Michot : Cette action a été menée pour la première fois à l’occasion de la Nuit de la lecture 2019. Nous avons construit notre intervention en lien avec une cadre de santé et avec les éducateurs de l’hôpital. Nous avons eu toute une série d’échanges pour évaluer si ce que nous proposions (principalement une heure du conte et des lectures individualisées en chambre) était compatible avec un service hospitalier. Cela allait de questions très pratiques à des interrogations plus existentielles sur la façon de se comporter dans cet environnement particulier, par exemple :

  • Quels livres choisir quand on ne peut pas savoir à l’avance qui seront les enfants hospitalisés lors de l’intervention (l’Hôpital mère-enfant accueille les enfants de 0 à 18 ans) ?
  • Quelles sont les précautions d’hygiène à respecter ?
  • Quelles sont les chambres autorisées et lesquelles ne le sont pas ?
  • Peut-on transporter un document d’une chambre dans une autre ?

Nous avions le souci de ne pas être un « problème » pour les soignants.

Comme il s’agissait d’une première action, l’hôpital a préféré que nous la menions dans l’après-midi plutôt que dans la soirée, bien qu’elle soit reliée à la Nuit de la lecture.

Les éducateurs n’étant pas présents le samedi, nous avons bénéficié de la collaboration de l’association Les Blouses roses qui intervient très régulièrement dans cet hôpital et qui, par sa connaissance des lieux et de l’institution, a été un facilitateur.

Nous avons proposé une heure contée sur le thème de l’hiver dans la salle de jeux du service pédiatrie. Les enfants à même de se déplacer ont pu assister à cette séance qui s’est poursuivie par une série de jeux basés sur des livres pour enfants (ex : Les Trois Brigands). Parallèlement, nous avons proposé des lectures en chambre pour les enfants immobilisés dans les services de pédiatrie, de chirurgie pédiatrique et en oncologie.

Les temps de lecture ont été des moments de plaisir et d’échanges. L’Heure du conte a été un très beau moment de partage autour du livre malgré des conditions un peu chaotiques (mesure des constantes pendant les lectures, va-et-vient continuels, âges extrêmement différents, de 3 à 16 ans). Les enfants ont beaucoup apprécié, chanté et ri.

Cette action a donné lieu à la mise en place d’une convention (effective) et va se poursuivre sous une forme régulière en cours d’élaboration. Nous réfléchissons à la périodicité et au choix de l’heure.


“Nous avons bénéficié de la collaboration de l’association Les Blouses roses qui intervient très régulièrement dans cet hôpital et qui, par sa connaissance des lieux et de l’institution, a été un facilitateur.”


Elle a été aussi le point de départ d’une coopération entre la Bfm et l’association Les Blouses roses. Pouvez-vous détailler les raisons et l’intérêt de cette coopération ?

Nadine Michot : Les Blouses Roses interviennent depuis des années à l’Hôpital de la mère et de l’enfant, que ce soit en chambre en soirée ou bien en salle d’attente en journée. Elles sont familières des lieux, et leurs blouses les identifient mieux que nos badges Bfm. Leur soutien a été très précieux car les trois bénévoles nous ont permis d’établir un contact avec les équipes soignantes et les enfants, de réagir sereinement face aux différents problèmes techniques (sondes qui sonnent…). En effet, l’hôpital est un microcosme particulier avec ses règles et ses interventions particulières (hygiène, etc.), au sein duquel un certain savoir-être est de mise, tant avec les enfants qu’avec le personnel soignant. Cela a été également l’occasion d’échanges de savoir-faire autour de la lecture entre les bibliothécaires et les membres des Blouses roses. À ce sujet, celles-ci ont manifesté leur envie d’être accompagnées.

Nous avions déjà eu des contacts avec cette association lors de la création de notre service, et deux d’entre nous avaient pu bénéficier d’une de leurs journées de formation consacrée à l’animation pour les personnes âgées.

Suite à cette opération Nuit de la lecture à l’hôpital, notre collaboration se renforce. Nous allons les aider à constituer des « valises thématiques » pour les actions d’animations que les Blouses roses mènent en service de gériatrie à l’hôpital Chastaing. Sont en cours une valise sur le thème de la rose et une autre sur l’école d’autrefois. Nous envisageons de croiser nos actions d’animations dans les résidences avec les leurs. Ainsi le quiz chanson française sur la rose, que nous utilisons dans les résidences où nous allons, est né de leur demande.

Les formations croisées vont se poursuivre. Par exemple, pour la journée de formation « Lecture à haute voix » organisée à la Bfm, des places ont été réservées pour les Blouses roses.

Enfin, nous avons mis en place et gérons ensemble un « arbre à livres » destiné aux parents d’enfants hospitalisés. Ce sont des parents qui nous en ont fait la demande lors de l’intervention à l’Hôpital mère-enfant.

Pouvez-vous détailler la façon dont s’organise cette coopération entre la Bfm et Les Blouses roses sur la gestion de cet « arbre à livres » ?

Nadine Michot : Les Blouses roses ont pris en charge le financement du mobilier. La bibliothèque l’alimente avec des livres issus du désherbage de ses collections ou de dons. Le suivi est assuré conjointement par l’association (sur le temps scolaire) et la bibliothèque (pendant les vacances). Nous veillons ensemble à ce que la boîte à livres ne soit ni vide ni trop encombrée. Nous enlevons les livres périmés, abîmés, peu attrayants ainsi que les ouvrages de prosélytisme religieux qui sont parfois déposés par le public. Régulièrement, nous faisons le point avec les bénévoles et rappelons les bons usages de gestion de ce dépôt. Nous avons mis en place un système de délégués plus spécifiquement chargés de la boîte à livres au sein de l’association.


« Nous enrichissons mutuellement nos pratiques par des formations croisées bibliothécaires / bénévoles. »


Pour terminer, la Bfm a débuté une intervention au Centre hospitalier spécialisé Esquirol (hôpital psychiatrique). Quelle est l’action de la bibliothèque dans cet établissement ?

Nadine Michot : Une première action est en place. Les bibliothécaires de la Bfm encadrent les patients stabilisés qui s’occupent de la gestion de la bibliothèque des patients hospitalisés : désherbage, réorganisation et mise en valeur des collections. La Bfm remet à la bibliothèque des livres neufs issus des dons qu’elle reçoit. Une deuxième action a été évoquée avec le pôle des usagers et devrait se construire en collaboration avec le service concerné : médiation via les albums pour enfants, à l’intention des mères n’ayant pas pu créer de lien avec leur enfant.

Plus globalement, quelles sont les relations qu’entretient la Bfm avec les associations de bénévoles ?

Nadine Michot : La mise en place de partenariats avec les associations de bénévoles du territoire est l’un des axes de notre plan d’intervention. Nous nous plaçons dans une vision très pragmatique : on ne pourra pas couvrir seuls les besoins des structures du territoire. Nous rencontrons toutes les associations pour envisager un partenariat. Parfois, cela ne fonctionne pas, en raison d’approches trop différentes. Certaines ont une approche très traditionnelle, elles n’envisagent pas l’innovation ni un réel partenariat.

Notre partenariat avec les Blouses roses est très satisfaisant de part et d’autre. L’association a un grand souci de la formation des bénévoles, et nous enrichissons mutuellement nos pratiques par des formations croisées bibliothécaires / bénévoles : l’association accueille régulièrement des bibliothécaires dans ses formations sur l’hôpital ou sur l’intervention auprès de personnes âgées à domicile et dans les lieux de vie tandis que nous réservons des places à la demande dans nos formation sur la lecture à voix haute ou encore sur les jeux de doigts et comptines.

De plus, l’association a un excellent rapport avec le personnel soignant. Elle a trouvé sa place au côté du personnel par exemple via ses interventions en salle d’attente qui contribuent à diminuer le stress des patients.

La Fill remercie également Madame Joëlle Ginouves, présidente du comité de Limoges de l’association Les Blouses Roses.

Pour aller plus loin

bfm.limoges.fr

lesblousesroses87.wordpress.com